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DOIT-ON ACHETER FRANÇAIS ? (suite)

By 3 October 2013December 17th, 2018No Comments

La précédente chronique du numéro de septembre a suscité de nombreuses réactions. En voici un résumé commenté.

 

En juillet dernier, le ministre du Redressement productif demandait aux directeurs achats des entreprises du CAC 40 d’être davantage « patriotes ». A en juger par vos réactions, ce n’est pas gagné : il semble y avoir consensus sur le fait que la sélection d’un fournisseur doit se faire sur des arguments rationnels (à court et long terme) et non sur la base d’une préférence nationale de principe. Les sphères économique et politique ne sont pas du même ordre.
Le directeur achats d’un grand groupe international se demande ainsi avec malice s’il devait aussi inciter ses équipes en Allemagne ou en Chine à acheter « local ». En outre, sur le terrain de la morale, n’est-il pas condamnable de favoriser ses fournisseurs nationaux au détriment de ceux d’un pays pauvre qui ne demande qu’à se développer ?

 

Le TCO à la rescousse de l’achat français ?
Dans l’espoir de faire pencher la balance en faveur des fournisseurs nationaux, l’Etat demande aux entreprises du secteur privé de bien considérer le coût complet dans les sélections de fournisseurs. Parfait : cela va dans le sens des meilleurs pratiques. Mais on peut se demander où s’arrête le coût global. Doit-on maintenant inclure le surcoût de l’assurance chômage quand on décide de choisir un fournisseur étranger au détriment d’un français ? Même si c’est ce type de problématique qui amène l’Etat, par exemple, à réguler la fermeture d’établissements, cela me paraît aller au-delà de ce qu’un TCO doit inclure.

 

Les objectifs d’achats en pays LCC prennent un coup de vieux
L’injonction ministérielle stigmatise les directions achats qui fixent des objectifs d’achats dans les pays à bas coûts. Reconnaissons pourtant, qu’en termes de conduite du changement, les objectifs de sourcing LCC ont eu le mérite de créer des ruptures, de remettre en cause les habitudes de sourcing de proximité et de sortir acheteurs et prescripteurs de leur zone de confort. Cette démarche a toutefois créé un biais entre les acheteurs et leurs correspondants internes pour qui acheter en LCC ne peut être une fin en soi. Plutôt que de promouvoir l’achat en pays à bas coûts, ne vaudrait-il mieux pas pousser toutes les initiatives achats en rupture et tout particulièrement celles qui agissent sur la demande ?

 

Des périmètres distincts
Plusieurs responsables achats distinguent les responsabilités respectives de l’entreprise et de l’Etat. Le mot d’écosystème revient souvent. Charge à l’entreprise de développer son écosystème (d’autres parlent de « filière ») ce qui sous-entend une proximité physique avec les fournisseurs. Charge à l’Etat de créer un écosystème national qui stimule la compétitivité des entreprises. Un lecteur y inclut l’obligation de construire pour la France un branding national à l’instar de l’Allemagne et de sa qualité made in Germany. Un autre suggère aux managers achats d’influencer activement le personnel politique pour qu’il joue ce rôle.

 

Le cas épineux des secteurs public et parapublic
Enfin, on rappelle que notre ministre trouvait que les acheteurs de nos entreprises publiques ne faisaient pas toujours preuve de patriotisme économique. Venant de leur principal actionnaire, une telle déclaration n’a rien d’un simple souhait courtois. Ce qui pose problème, car ce même Etat leur demande d’être toujours plus économiquement performantes, et en ce sens, ces entreprises se transforment en profondeur. Nous en reparlerons.

 

En élargissant leur périmètre de responsabilité au-delà des coûts immédiats, les acheteurs doivent intégrer l’environnement de l’entreprise, y compris les problématiques de son pays d’origine, suivant une démarche rationnelle, en ligne avec la stratégie de l’entreprise. Mais réservons l’engagement patriotique à nos seules actions d’influence sur le politique.

 

Article publié dans LDA – n°220 – Octobre 2013

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