Révolution Internet et transformation digitale n’ont pas le même effet sur les achats. Penchons-nous sur la première avant d’étudier la seconde.
Alors qu’on ne cessait de parler d’Internet à la fin des années 90 dans les entreprises, le mot « digital » y fait maintenant florès. S’agit-il d’une nouvelle révolution pour les achats ? D’un point de vue technologique pas vraiment – nous sommes plus dans une simple accélération de capacités de traitement et d’interactions. D’un point de vue métier, la rupture est plus prononcée. L’avènement d’Internet a favorisé la professionnalisation du métier de l’acheteur alors que la vague digitale accompagne une évolution du métier vers plus d’analyse et de « business ». Revenons dans un premier temps sur l’impact initial d’Internet pour mettre en perspective la « révolution » digitale qui fera l’objet du blog suivant.
Un contexte tourbillonnant
Dans les années 90, Internet s’envole grâce à la généralisation d’un protocole de communication, TCP/IP et d’un système unique d’adressage. L’e-mail est alors son fer de lance si bien qu’entre 1992 et 2000, le nombre d’ordinateurs connectés passe de 1 à 368 millions. En parallèle, apparaissent les sites Internet d’information, d’entreprise et d’eCommerce.
La Fonction Achats est dans les premières de l’entreprise à adopter des solutions basées sur Internet : l’eSourcing et l’eProcurement. La première est surtout portée par FreeMarkets, créé en 1995. Introduit en bourse, sa valorisation dépassera les 10 milliards de dollars. En Europe, autour de 1999, naissent, Portum et Trade2B en Allemagne, BravoSolutions en Italie et SynerDeal* en France (future SynerTrade). Ariba, créé en 1996, est le leader de l’eProcurement. En bourse, sa valorisation grimpera à 40 milliards de dollars avant de s’effondrer.
L’eSourcing par le petit bout de la lorgnette
A ses débuts, l’eSourcing se concentre sur l’enchère inversée. En effet, le caractère universel d’Internet permet seul à des fournisseurs du monde entier de voir simultanément les propositions concurrentes et de sous-enchérir. Même si une simplification abusive du système en a terni l’image, l’enchère a donné incontestablement des résultats intéressants en raison de la dynamique d’un événement, de la traçabilité des échanges et d’un gain de temps important sur la phase de négociation. En outre elle a renforcé la professionnalisation de la consultation : sourcing étendu, formalisation du besoin précise et bien comprise, mise à niveau des offres fournisseurs. D’ailleurs les offreurs de solution de l’époque sont plus des prestataires de service accompagnant les acheteurs dans la préparation de leur consultation que des éditeurs de logiciel. Les solutions d’eSourcing s’enrichiront vite d’analyse de la dépense, de la gestion de projet, d’un portail fournisseurs, du contract management et de l’évaluation de la performance fournisseurs.
L’eProcurement : c’est du lourd
L’eProcurement a aussi eu un effet bénéfique sur le métier : obligation de constituer des catalogues, de clarifier la stratégie d’approvisionnement, de définir les circuits de validation d’une demande d’achat. L’eProcurement requiert beaucoup de ressources pour la mise en place des catalogues, « l’enrollment » des fournisseurs, la formation des utilisateurs et l’intégration dans les SI de l’entreprise. Alors moins ergonomique que les sites d’eCommerce usuels, l’eProcurement n’a pas toujours connu des déploiements faciles. Il a évolué en intégrant des catalogues de fournisseurs mis à jour par ces derniers (punch out) et surtout en cherchant à dématérialiser la totalité du processus R2P (requisition to payment).
A noter les tentatives à la même époque de fédérer des industries autour de places de marché comme Covisint dans l’automobile ou Answork pour la banque en France. Fondées pour mutualiser les coûts, elles disparaissent rapidement quand le coût des solutions diminue et ne justifie plus les efforts liés à la mutualisation.
Au total, cette première révolution a surtout permis de professionnaliser les bases du métier autour de la consultation, de la négociation et du processus d’approvisionnement sans en changer la nature. Ce n’est pas le cas de la révolution digitale qui permettra un niveau d’analyse de données et d’interactivité avec les parties prenantes (fournisseurs, contributeurs internes) inconnus à ce jour. Ce sera le sujet de notre prochain blog.
*SynerDeal a été fondé en 1999 par Didier Picot et votre serviteur