Dès qu’une organisation privée ou publique est composée d’entités distinctes dotée d’une grande autonomie, la légitimité d’une Direction Achats Groupe (DAG) comme d’autres Directions Corporate est remise en cause.
L’existence d’une DAG chapeautant ou coexistant avec des Achats d’entités indépendantes d’un même Groupe s’est généralisée au cours des 20 dernières années. Pas étonnant : elle illustre la réalité même d’un Groupe. Ainsi à chaque rapprochement d’entreprise, les analystes financiers vantent les synergies à venir en en attribuant une bonne part aux gains d’achats orchestrés par une Direction Achats. Les Directions Générales de Groupe soulignent d’ailleurs régulièrement la nécessité de faire jouer l’effet de taille pour baisser les coûts et les Achats en sont des contributeurs majeurs.
Une DAG n’est pas toujours perçue comme prioritaire par les BUs
Même si elle est aujourd’hui généralisée, l’existence d’une DAG ne va pourtant pas de soi dès que l’entreprise rassemble de multiples métiers et n’a pas de culture de centralisation forte. Tout d’abord parce que chaque BU a sa culture, son organisation Achats et ses spécificités opérationnelles qui rendent des achats en commun difficiles. Même avec de la bonne volonté, les massifications ne produisent pas toujours les effets escomptés – soit que la masse critique était déjà atteinte par les entités individuellement ou parce qu’il faut aligner les spécifications sur les plus contraignantes ce qui crée de la survaleur pour certains. Puis, on ne répétera jamais assez que, pour les acheteurs, la proximité des opérationnels, des DG d’entité, rend leur travail autrement plus efficace. Ne vaut-il mieux pas alors éliminer le coût et la lourdeur de ressources Achats au niveau Corporate pour ne s’appuyer que sur des Directions Achats dans les entités opérationnelles qui seraient ainsi au plus près des objectifs de leur entité et leur offrirait toute l’agilité nécessaire plutôt que de rechercher d’illusoires synergies ?
Les bénéfices d’une DAG vont bien au-delà de la massification
Je ne le crois pas. Quel que soit le niveau de décentralisation du Groupe, une DAG crée une valeur importante pour de multiples raisons. En premier lieu, une DAG est seule en position d’identifier les catégories de produits et de services qui peuvent être gérées de manière transverse et organiser l’ensemble de la Fonction Groupe suivant cette analyse. Une DAG comprend une équipe de category managers et / ou anime un réseau de lead buyers ce qui favorise une démarche stratégique et optimise les ressources. Au-delà de ces avantages qui impactent directement la performance achats, la DAG a aussi une responsabilité au regard de l’ensemble de la Fonction du Groupe : gestion des RH de la Fonction, définitions d’une politique commune et tout particulièrement en matière de RSE, mise en œuvre d’outils communs, pilotage de la fonction permettant un reporting consolidé. Enfin la DAG encourage le partage de bonnes pratiques au sein de la Fonction Achats et en assure la promotion par une communication ciblée auprès du reste de l’entreprise.
Deux impératifs pour éviter la gesticulation stérile
Quelle que soit la part des biens et services achetés de manière transverse, ces responsabilités justifient pleinement une DAG. Deux éléments me semblent toutefois essentiels pour qu’une DAG ne devienne pas une tour d’ivoire ou un brasseur de vent corporate : d’une part une gouvernance clairement formulée et partagée avec les patrons d’entités opérationnelles et d’autre part des acheteurs Groupe ayant tissés des rapports étroits avec les Opérations et qui passent le temps nécessaire avec elles. Pas toujours facile à réaliser.