La qualité du binôme acheteur – utilisateur conditionne le succès des projets achats. Mais la difficulté à faire vivre cette coopération est à la hauteur des enjeux.
Un couple essentiel
Certaines évidences méritent d’être rappelées : les gisements de gains les plus importants se situent dans les profondeurs des cahiers des charges. Et c’est là que doit aller inlassablement forer l’acheteur. S’assurer que le cahier des charges est bien ouvert à la compétition, complet, clair mais aussi qu’on se tient au juste besoin, que ce besoin est exprimé de manière la plus fonctionnelle possible. Or ce travail ne peut se faire qu’à deux : l’utilisateur (ou le prescripteur) qui exprime son besoin et l’acheteur. Dès lors qu’il s’agit d’un achat technique qui nécessite une expertise spécifique, on imagine mal l’acheteur réécrire le cahier des charges pour l’optimiser dans son coin, ou recevoir seul des fournisseurs sur des problématiques techniques. Bien que détenteur du process achats et, en principe, de la relation fournisseur, le travail de l’acheteur s’enrichit de manière exponentielle de la proximité et de la confiance qu’il sait créer avec son « binôme » technique. Ce binôme doit être « animé d’un même sentiment, d’une même volonté ou avoir des intérêts […] qui les rapprochent » : c’est la définition que Larousse donne d’un couple.
Un couple tumultueux
Pour ce couple-là comme pour d’autres, la vie n’est pas un long fleuve tranquille. Prenons l’exemple d’un technicien travaillant dans un site industriel : pourquoi irait-il travailler avec un acheteur pour remettre en cause les prestataires de services de maintenance avec lesquels il travaille en confiance depuis des années ? Pourquoi le ferait-il alors qu’il tient avant tout à ce que son usine marche, que les intervenants connaissent bien les mesures de sécurité et qu’ils fassent preuve de beaucoup de réactivité. Et que dire du couple acheteur – informaticien ? Quelle légitimité a l’acheteur pour remettre en cause un choix de logiciels proches des infrastructures ? Et pour aller encore plus loin dans la dramaturgie, les relations entre Elisabeth Taylor et Richard Burton ressemblaient à un dialogue angélique comparées à celles qu’entretiennent les acheteurs et le Marketing.
Un couple à construire
Alors que faire pour rendre ce couple efficace si ce n’est idyllique? Il s’agit d’abord de créer les conditions de succès au niveau du Management. Faire comprendre aux Directions concernées l’intérêt de la coopération entre Achats et utilisateurs constitue un passage obligé. Mais bien des messages du top management finissent en pluie fine et s’évaporent souvent avant de toucher le terrain. Je crois indispensable de doubler le travail fait au niveau du management par un dispositif qui agit directement sur les protagonistes. Typiquement l’organisation d’ateliers réunissant les acheteurs et leurs interlocuteurs techniques ou experts qui les fassent travailler sur les objectifs qu’ils partagent et les amènent à saisir tout l’intérêt d’une authentique coopération au quotidien produit des effets très positifs. Ces ateliers, que dans un grand groupe industriel nous avons appelés « buy tech », doivent être conçus pour qu’acheteurs et utilisateurs (techniciens et ingénieurs dans ce cas précis) comprennent mieux leurs missions respectives, reconnaissent les objectifs qu’ils partagent et ceux qui les séparent et s’entendent pour des changements majeurs dans la manière de travailler ensemble. Pour que cette coopération rentre dans l’ADN de l’entreprise, les collaborateurs qui la font vivre doivent être à la source de sa construction.
Faire vivre leur « couple » avec les utilisateurs clefs, voilà encore un défi passionnant pour les acheteurs !