Les organisations matricielles génèrent des situations potentiellement conflictuelles qu’un acheteur ou un responsable achats doit pouvoir gérer avec discernement. On a tout à gagner à réussir l’exercice.
Pour commencer, quelques définitions de base
Une organisation matricielle se caractérise par le fait que certains collaborateurs aient deux managers. A l’opposé des organisations hiérarchiques recommandées par Taylor ou Fayol à la fin du XIXème siècle, les organisations matricielles se sont développées depuis les années 50 avec les grands projets : un collaborateur peut à la fois dépendre d’un Manager et du Chef de Projet auquel il est affecté. Depuis, l’appellation a été élargie à toutes les organisations dans lesquelles un collaborateur « reporte » typiquement à un responsable de BU et à un responsable fonctionnel et encore plus largement. Ainsi un acheteur peut être rattaché au Directeur Achats d’une entité et à un category manager s’il doit traiter une catégorie sur un périmètre plus large que celui de sa propre entité ou encore le Directeur Achats de cette même entité « reporte » au Directeur de l’entité et au Directeur Achats Groupe. On distingue ainsi le rattachement hiérarchique au management de l’entité (« solid line ») et le rattachement fonctionnel (« dotted line »).
Des avantages pour l’entreprise et des situations difficiles pour le collaborateur
On voit tous les avantages de ce type d’organisation. Une Fonction dotée d’une Direction Groupe casse les silos de l’entreprise, elle ouvre des opportunités de mobilité aux collaborateurs, elle fait jouer l’effet de taille et favorise les synergies. Pour un acheteur, ce double rattachement n’est pas toujours une ballade de santé. Par exemple, comment l’acheteur participant activement à un projet de catégorie au niveau du Groupe peut arriver à garder suffisamment de temps pour assurer les tâches qui lui incombent pour sa propre entité ? Comment peut-il concilier des politiques contradictoires entre le Groupe et sa propre BU ? Doit-il suivre son responsable hiérarchique ou fonctionnel ? Cette situation n’est que l’ultime ricochet de l’apparente contradiction que doivent gérer les Directions Générales entre la dynamique entrepreneuriale des BU, porteuses du P&L, et la nécessité de faire jouer l’effet de taille grâce aux Fonctions transverses.
La clef : amener ses managers hiérarchique et fonctionnel à s’entendre
Il m’arrive de rencontrer des acheteurs qui se satisfont allègrement de ce double rattachement et pas toujours pour des bonnes raisons : ils y gagnent une forme de semi-liberté en navigant habilement entre les contradictions de ses deux managers. La plupart en reconnait la difficulté. Voici donc un point fondamental qui me semble garantir un double rattachement harmonieux : la bonne communication et l’alignement des objectifs des deux managers. Ils ne vont pas nécessairement de soi. Aussi le responsable achat ou l’acheteur dans cette situation doit-il tout faire pour amener ses managers à se rencontrer régulièrement et à échanger sur leurs objectifs respectifs. Une fois ceci réalisé, il leur est plus facile de coordonner la fixation des objectifs de l’acheteur, d’en faire ensemble (ou de manière coordonnée) la revue de performance, de gérer les problèmes de charge ou de priorité. Le « management » de ses deux managers constitue un exercice délicat et pas naturel – on se sent plus proche de son manager hiérarchique qui souvent nous rémunère – mais lui seul permet de travailler efficacement et un peu plus sereinement. En outre il ouvre à l’intéressé qui le réussit de fantastiques opportunités d’évolution plus larges que dans sa propre BU.
Gérer un boss hiérarchique et un fonctionnel : voilà encore une facette de l’incroyable richesse du métier d’acheteur !