Donner du sens au travail à ses équipes pour mieux les engager. Certes. Mais quel sens ?
Pour que des collaborateurs se sentent réellement engagés dans leur travail, qu’ils collaborent mieux, qu’ils se sentent mieux dans leur environnement professionnel, ils doivent trouver un sens à leur travail. Mais de quel sens parle-t-on donc ? Il ne s’agit pas d’une question purement intellectuelle. Comment un manager peut-il donner un « sens au travail » de ses équipes, s’il ne sait pas sur quel registre se placer ? Essayons donc de comprendre ce que recouvre le vocable de « sens au travail ».
Les cinq tailleurs de pierre…
Une étude réalisée par le cabinet Deloitte en 2017 donne quelques pistes*. Elle souligne son importance pour près de 9 collaborateurs sur 10. Elle constate aussi la variété de ce qu’ils mettent dans « sens au travail » qu’elle classe suivant les trois dimensions du travail : ce qui touche au « faire » (travailler c’est d’abord produire), à « l’avoir » (travailler, c’est subvenir à ses besoins) et à « l’être » (travailler pour exister socialement).
Vous connaissez sans doute l’allégorie des trois tailleurs de pierre qui illustre différentes attitudes par rapport au travail. Je vous propose de la détourner et de la compléter avec deux autres tailleurs pour couvrir l’éventail des « sens au travail ».
Voilà donc 5 tailleurs de pierre qui travaillent consciencieusement sur leur bloc au bord d’un chemin. Le premier à qui nous demandons ce qu’il fait répond qu’il gagne sa croûte – 39 heures par semaine, 46 semaines par an moins les RTT. Le second répond qu’il taille une pierre en se spécialisant dans l’équarrissage : il obtient des surfaces toujours plus planes à l’aide de sa massette et de sa pointerolle à mesure qu’il gagne en savoir-faire. Le troisième, lui, dit qu’il bâtit un mur suivant parfaitement le plan que lui a remis Maître Pierre pour qui il travaille. Le quatrième se retourne et pointe du doigt le chantier où s’échinent des centaines d’ouvriers et artisans : il construit une cathédrale. Le cinquième, l’œil brillant et la voix émue, dit qu’il contribue avec tant d’autres à édifier un monument à la gloire de Dieu.
… et leurs différents sens au travail
Ainsi donc notre premier tailleur de pierre n’a d’autre sens au travail que celui de subvenir à ses besoins. Le travailleur vend son temps à son employeur et s’aliène contre rémunération. Le deuxième quant à lui développe une expertise. Quel que soit son employeur ou le projet, sa spécialité lui permet de trouver un travail et d’être reconnu en société. Dans les deux cas, le sens du travail est externe à ce qu’il produit. Le troisième tailleur de pierre inscrit son activité dans une finalité plus large – le mur. Il tire sa fierté d’une mission bien exécutée et jouit de la reconnaissance qu’il en tirera au sein de l’équipe. Le quatrième visualise la cathédrale qu’il contribue à édifier. Il a bien en tête la finalité de l’entreprise et tire fierté de l’aventure collective à laquelle il participe. C’est notable, car dans les très grandes entreprises où les métiers se spécialisent, il est difficile de voir sa propre valeur ajoutée dans un système complexe. C’est pourtant ce qui fait tirer une larme à l’acheteur de fournitures de bureau d’Airbus en voyant l’A350-1000 décoller pour la première fois. Enfin, le dernier tailleur de pierre a des convictions personnelles et voit non seulement une cathédrale sortir de terre mais aussi l’incarnation de ses valeurs ou de sa foi. Dit autrement, un ingénieur chimiste sera toujours motivé à la perspective de produire un engrais plus efficace. S’il est écologiste, il le sera encore plus si l’engrais est naturel et respectueux de l’environnement.
Les finalités du travail ne sont évidemment pas exclusives les unes des autres comme le laisse entendre cette histoire. Celle-ci a toutefois le mérite de les ordonner suivant plusieurs axes : personnelle ou collective, externe à l’objet du travail ou non, rattachée à des convictions personnelles ou pas. Une certitude : un collaborateur qui comprend la finalité de l’entreprise oriente mieux ses actions et enlève plus facilement l’adhésion de ses interlocuteurs que celui qui se limite à ses obligations immédiates. Si cette finalité est en accord avec ses propres valeurs ou convictions, son engagement n’en sera que plus complet et mobilisateur.
Les entreprises n’ont pas toutes des finalités ou des activités qui font rêver. A chaque manager de trouver, malgré tout, le bon niveau de sens au travail pour inspirer ses équipes et les mobiliser.
* « Sens au travail ou sens interdit ? » Deloitte – décembre 2017