Les principes fondateurs de l’entreprise libérée s’opposent à l’ADN des Achats. Comment les réconcilier ?
Qu’est-ce qu’une « entreprise libérée » ? Il n’y en a pas de modèle bien défini, mais retenons la principale intention de ses instigateurs : libérer l’énergie des employés et accroître leur engagement en les responsabilisant au maximum. En conséquence de quoi les salariés ont une autonomie d’action considérable pour atteindre leurs objectifs. La hiérarchie s’estompe : un manager n’est pas le « supérieur » d’un collaborateur. Son rôle est d’encourager l’initiative individuelle et d’animer le débat avant une prise de décision qui est toujours collective. |
L’exemple de PME ou d’ETI comme Favi, Poult, Groupe Hervé ou Chronoflex en France montre que le système marche et que la performance est au rendez-vous – sans mentionner le bien être des salariés. Dans de grandes entreprises, certaines expérimentations s’avèrent encourageantes à l’échelle d’un atelier ou d’un département. Le phénomène reste toutefois limité. On ne s’affranchit pas de la culture du management hiérarchique si facilement que cela.
Le modèle opposé à l’existence d’une Fonction Achats
La clef de voute de l’entreprise libérée étant l’autonomie de moyens des individus, cela ne fait guère bon ménage avec des règles imposées au niveau du Groupe. Par exemple, dans une entreprise fournissant des services de maintenance, une équipe responsable de région aura toute latitude pour fixer ses prix, gérer les recrutements et … faire ses achats. Pour tout acheteur, décentraliser à ce point les achats ressemble à un retour en arrière qui fait subir une double peine à l’entreprise. D’une part celle-ci se prive du regroupement des volumes qui lui offrirait une meilleure position de négociation et globalement plus d’attention de la part des fournisseurs. D’autre part elle ne peut bénéficier de l’expertise d’acheteurs professionnels en centrale dont seuls des volumes significatifs peuvent justifier le coût. Les acheteurs sont supposés rationaliser le choix des fournisseurs en remettant en question les situations établies et en recherchant des modèles de dépense plus performants.
Inversement, la décentralisation totale des achats peut emporter un certain nombre d’avantages dans l’esprit de l’entreprise libérée. Entièrement responsable du choix d’un fournisseur, l’opérationnel fera tout pour qu’au quotidien il puisse en tirer le meilleur parti. Responsable de son budget comme de la qualité de ce qu’il vend et fournit, le même opérationnel est le mieux placé pour faire l’arbitrage entre coût et qualité d’un fournisseur donné.
Une nouvelle mission pour les Achats
L’équilibre entre esprit d’entreprise locale au plus proche du client et réalisation de l’effet de taille constitue depuis toujours la quête du Graal organisationnel de toute Direction Générale. Comment donc bénéficier de la dynamique du terrain et des synergies au niveau d’un groupe ? Les Achats s’efforcent souvent de convaincre leur DG d’imposer une gouvernance qui leur permette d’optimiser leur action transverse – avec forcément peu d’effet dans une entreprise influencée par l’approche « libérée ». Dans un tel environnement, les Achats doivent repenser leur approche. A l’instar des managers qui sont au service de leurs collaborateurs, les Achats ont tout intérêt à se mettre complètement au service des opérationnels dans une relation « entre adultes ». L’acheteur doit frénétiquement rechercher les solutions qui créent de la valeur pour les opérationnels. Ni paillasson, ni hérisson, il doit apprendre à les comprendre et les convaincre. Se mettre entièrement au service du business se décline aussi dans le choix des outils. Les Achats mettront à leur disposition des solutions ouvertes comme les places de marché qui les laissera libres de leur choix tout en offrant de la visibilité aux acheteurs. La Fonction Achats, comme l’entreprise libérée, doit faire le pari que les opérationnels font des choix raisonnés.