La Fonction Achats se prête bien à une organisation matricielle. Bien la faire vivre nécessite un peu de doigté.
Une matrice pour plus de souplesse et d’agilité
Les organisations matricielles se sont développées dans les années 60 à l’occasion de grands projets d’ingénierie. L’idée était d’allouer des ressources fonctionnelles (engineering, R&D, production etc.) à des projets sur une période de temps donnée. Si bien qu’une ressource était managée par sa fonction et le projet auquel elle est affectée. La définition s’est ensuite élargie à toutes les organisations qui amènent une double ligne de management, en général Fonction et BU.
On en voit l’avantage : cela casse les silos d’information pour bénéficier de l’effet de taille au sein d’une entreprise qui mène plusieurs activités ou qui est répartie sur de nombreux marchés.
Les inconvénients sont aussi connus : le double rattachement, hiérarchique et fonctionnel, amène son lot de possibles injonctions contradictoires.
Un rattachement multiple devient toutefois la norme au sein des entreprises. Comme pour tout être vivant, c’est la capacité de l’entreprise à s’adapter et à évoluer qui en fait le succès. Or, seuls les croisements de périmètre et les organisations souples permettent les échanges et les confrontations qui font progresser l’entreprise. François Dalle rechignait en son temps à produire des organigrammes chez L’Oréal en prenant pour image celle de moutons enfermés dans des enclos qui se limitaient à l’herbe dont ils disposaient alors que, sans enclos, ils mangeaient l’herbe de leur voisin et finissaient par sortir du près… Force est de reconnaître que l’innovation et l’agilité jaillissent des croisements de lignes managériales et parfois même du flou.
Les Achats – star de l’organisation matricielle
S’il y a bien une Fonction qui grandit avec une organisation matricielle, ce sont les Achats ! En effet, l’organisation achats d’une entreprise pluriactivités et/ou internationale se structure suivant trois dimensions principales : les catégories d’achats, la géographie et les métiers (ou BUs). Chacune est caractérisée par une relation majeure. Dans la dimension catégorie, le lien au marché fournisseurs est déterminant. Dans la dimension BU, le lien au savoir-faire spécifique du métier et à sa stratégie prévalent. La nature de l’attachement géographique dépend de l’activité de l’entreprise et des catégories en question. Ainsi les achats indirects sont pour beaucoup attachés à la géographie.
Les organisations Achats les plus importantes, s’offrent des category managers dédiés et des responsables achats par BU et ou par pays. Si les category managers dépendent généralement de la Direction Achats, les responsables achats de pays ou de BU ont typiquement un double rattachement dont un aux achats. Les organisations moins étoffées naviguent allègrement dans la matrice en offrant aux acheteurs de multiples casquettes de lead buyer sur une catégorie, de rattachement à un pays et de représentant auprès d’une BU.
C’est moins l’organisation qui est compliquée que la manière de la faire vivre
Typiquement un acheteur rattaché au responsable d’une BU et responsable d’une famille d’achats au sein d’une organisation achats matricielle doit pouvoir arbitrer entre les priorités de la BU et celles de la Direction Achats.
Dans les faits la nature de la ligne de rattachement (solid ou dotted line – fonctionnelle ou hiérarchique) ne dira rien de la réalité de la relation. Le lien le plus fort sera dans la pratique celui qui sera le mieux rempli de sens pour l’acheteur, le mieux alimenté en contenu pertinent et celui qui offrira le plus d’échanges enrichissants. Quant à l’acheteur, il doit « gérer » ses deux patrons et les amener à définir ensemble ses propres objectifs en début d’année, à mettre en place des revues régulières des achats auxquelles ils participent tous les deux et à pratiquer auprès d’eux une transparence sans faille.
L’organisation matricielle fait clairement partie des challenges du métier d’acheteur et de ses incomparables beautés. La mettre en œuvre avec succès nécessite d’avoir une vision claire et partagée pour les achats. Et surtout : faire vivre un état d’esprit collaboratif, une vraie envie de réussir ensemble.